Anne-Marie Gaignard : se réconcilier avec l’orthographe

Son ton est nerveux et ses affirmations claires : le système éducatif de la grammaire et de l’orthographe débloque. Anne-Marie Gaignard sait de quoi elle parle : son parcours d’échecs en échecs l’a amenée à fonder une méthode révolutionnaire.
Bonjour Anne-Marie Gaignard. Vous indiquez dans votre livre autobiographique La revanche des Nuls en orthographe que vous avez souffert depuis toute petite de problèmes en grammaire et en orthographe qui ont longtemps handicapé votre vie.
J’étais celle qui faisait une faute par mot. A huit ans, on me disait que ma tête était une passoire. Je me suis cachée, j’ai menti puis je me suis tue. Beaucoup d’enfants ont fait comme moi : faire semblant de savoir lire, en apprenant les textes des livres d’école par coeur par exemple. J’ai construit un système où je me disais tout le temps : pourvu que je n’ai pas à écrire une carte postale, sur un livre d’or, ni à laisser un mot traîner sur la table.
Concrètement quelles sont les solutions que vous proposez ?
Chez nous un enfant qui ne sait ni lire ni écrire, on le remet sur les rails en 20 heures. On arrête le balayage (je lis vite de gauche à droite) et on isole le mot de son contexte. On va lire les textes à l’envers pour isoler le mot de son contexte et photographier le mot juste une fois dans sa vie. On travaille sur les trois mémoires : auditive, visuelle et kinesthésique.
Pour les parents, c’est violent de se rendre compte qu’il y a là une solution alors qu’ils payent pour un orthophoniste depuis des années. Ce qui me donne du crédit, c’est que je suis validée par des grammairiens, publiée par une belle maison d’édition. Ils ont compris qu’on pouvait apprendre la grammaire autrement. J’ai travaillé avec les neurosciences, j’ai travaillé avec les institutions des Lavandes à Orpierre. J’ai été reçue par la direction générale de l’enseignement scolaire, je travaille dans les écoles.
Les problèmes d’orthographe et de grammaire proviennent donc de l’éducation des enfants ?
Je lutte contre la dysorthographie pure, non pas un camouflage de la dyslexie médicale. La dyslexie c’est un dysfonctionnement neuronal visible sur une IRM. Mais seuls 2 % de la population souffrent de dyslexie. Le commun des mortels qui a des problèmes d’orthographe, les 45 % qui rentrent en classe de 6e avec une non-acquisition du langage, n’ont aucun problème de dyslexie. Pourtant on amalgame tout ça, on envoie des enfants chez l’orthophoniste pendant des années, et on cache l’échec du collège unique et l’échec de l’apprentissage de la lecture en CP. Moi si j’exerçais le métier d’enseignant et que la moitié de ma classe se plantait, ça me gênerait ! Tout ça c’est construire un enfant bancal, qui deviendra un adulte bancal, si personne sur son chemin ne vient réparer cela.
Vous jetez la pierre au système éducatif ?
Je suis en colère, ça fait 25 ans que je suis sur le terrain, que ça s’aggrave, que les politiques se renvoient la patate chaude et qu’on condamne des enfants. Je suis bien placée pour en parler puisque j’étais un de ces enfants là. En France, on est peu innovant en classe. La formation des maîtres du premier degré est à jeter à la poubelle. On confie des classes à des jeunes qui sortent de masters universitaires sans aucune pédagogie. Avant d’aller mettre de l’argent dans les rythmes scolaires, mettons-le dans la formation des maîtres d’école.
A l’âge adulte, il n’est pas trop tard ?
Je dis : ” Faire des fautes, c’est pas de votre faute “. La peur et la honte habitent les personnes qui souffrent de problèmes d’écriture et de lecture. C’est leur image qui est véhiculée par leurs mots. Ce n’est pas une fatalité néanmoins. En entreprise, celui qui a les outils informatiques on peut lui redonner les bonnes bases en 7 heures de travail. Je forme les gens pour qu’ils soient capables de se défendre, et qu’ils soient à leur place.
A Epinal
Vendredi 18 octobre 2013 à 18h30 à l’amphithéâtre de la faculté de droit (entrée libre)
Dédicaces samedi 19 octobre à partir de 14h au magasin Cultura