La nouvelle page blanche de l’Imagerie d’Epinal

Un an après son rachat, l’Imagerie d’Épinal multiplie les projets. Son image dépoussiérée lui permet d’espérer une nouvelle pérennité avec une équipe d’illustrateurs remodelée. Mais des défis de taille attendent la petite société spinalienne.
Presque invisible depuis l’avenue où elle est installée, l’Imagerie disparaît derrière les grandes arches du Musée de l’image du quai de Dogneville à Épinal. Nombre de passants ignorent qu’elle sommeille ici depuis sa création en 1796.
Pourtant, le réveil de la belle endormie est intense depuis son rachat le 5 août 2014. Pour sa deuxième année à la tête de la dernière imagerie d’Europe, le tandem Pacôme Vexlard et Christine Lorimy tient déjà sa feuille de route : ” Faire la même chose et encore plus ! Les gens ne se rendent pas compte du potentiel de l’Imagerie. “
Une révolution qui suscite quelques remous : le départ d’anciens imagiers, des craintes autour des pierres lithographiques cédées aux mécènes de l’entreprise, ou encore la participation de la Ville d’Épinal à travers une SEM (Société d’Économie Mixte).
Mais le duo à la tête d’une équipe de douze salariés tient à se défendre : ” Il y a eu une forme de méchanceté à notre égard, beaucoup de rumeurs sont lancées. Je comprends le protectionnisme, mais en même temps les gens se plaignent qu’il ne se passe jamais rien ! “
Symbole de ce changement en marche, les nouveaux propriétaires ont rapidement fait disparaître les illustrations un peu usées qui ornaient la façade pour installer un logo plus sobre et dans l’air du temps.
” Nous revenons aux origines, c’est-à-dire être un atelier artisanal et traditionnel. Mais on ne peut pas exclusivement demeurer figé dans le passé. Avant c’était une entreprise locale, avec une économie locale et des employés locaux. Nous nous ouvrons à l’international en mettant en valeur ce fonds de centaines de milliers d’images anciennes, qui colle bien à l’esprit vintage de notre époque. “
” Coller à l’esprit vintage “
Pour acter ce renouvellement, l’Imagerie s’appuie désormais sur une nouvelle équipe d’imagiers et des collaborations avec des pointures du dessin. Les créations s’adaptent aux codes ancestraux pour des tirages lithographiques qui sont ensuite déclinés en produits dérivés : poster, mug, sac, jeu de cartes, papeterie, kits de pâtisserie, abat-jour
” On travaille actuellement sur des planches de caricatures de personnalités politiques, du show-biz et de la science, réalisés par Laurent Blachier. Le graffeur Chanoir détourne d’anciennes images, l’idée sera aussi de produire des pochoirs pour graffer “
Une collaboration est en cours avec Carlotta, illustratrice du magazine Elle, pour un jeu des sept familles élégant et vitaminé ! Le célèbre dessinateur d’albums pour enfant Serge Bloch collabore désormais aussi. L’Imagerie s’offre même pour la première fois de son histoire une représentation du nu à travers les oeuvres de Jacques de Loustal. ” On retrouve le sens populaire de l’Imagerie et on interroge les codes actuels de la société. “
Dernier coup de maître remporté, le relooking des boites de bonbons La Vosgienne dont 2 millions d’unités seront écoulées. Le dessin a été réalisé par l’une des nouvelles illustratrices Zoé Thouron, formée à l’ESAL, l’école supérieure d’art. D’autres coopérations sont prévues avec des marques du secteur du luxe, des vêtements pour enfants et des arts de la table.
Dans la fourmilière remuante de l’Imagerie, l’activité est en pleine ébullition. La boutique est en cours de rénovation. Mais la jeune équipe voit plus loin : ” L’objectif c’est d’avoir nos réseaux de distribution et nos boutiques à notre nom à Lyon, Paris et Londres. ” Avant cela, c’est à Paris que l’Imagerie tiendra son pop-up store du 6 novembre au 4 janvier, soutenu par la Région Lorraine.
Un magasin éphémère pour gagner en visibilité, l’Imagerie demeure plus connue en Asie qu’en Europe. Pacôme Vexlard entend également mettre sur pied au printemps un week-end du dessin de presse ou encore ouvrir un restaurant sur place dans un décor de vieilles machines de l’Imagerie. Les projets ne manquent plus.